par Jon Dekel

En septembre dernier, le magazine Rolling Stone publiait son palmarès des 500 plus grandes chansons de tous les temps. Au deuxième rang : Fight the Power, de Public Enemy. Ce classement bien mérité révèle le retentissement de la chanson et constitue une reconnaissance gratifiante pour Reach Music Publishing, coéditrice et administratrice de la chanson, et pour son président, Michael Closter.
Natif de la banlieue de New York, Closter joue de la batterie tout au long de ses études secondaires et collégiales. C’est au début des années 1990, quelques années après l’obtention de son diplôme, qu’il met officiellement Reach sur pied dans son appartement new-yorkais. Il n’a alors qu’un seul client : Hank Shocklee, de l’équipe de production Bomb Squad, qui est coauteur et producteur de la chanson phare de Public Enemy.
Closter et Shocklee s’étaient rencontrés quelques années auparavant, à la suggestion de l’administratrice d’édition Julie Lipsius. À l’époque, Closter fréquentait toujours l’école de musique de l’Université de New York, mais il possédait déjà une solide expérience, acquise dans le cadre d’un stage chez Lipsius, où il avait travaillé avec le catalogue d’édition musicale de Tommy Boy.
« J’ai fait mes premières armes en administration et j’ai appris à connaître l’infrastructure de l’édition, de la perception de redevances et de l’enregistrement de droits, tout en travaillant avec des classiques comme l’album de 3 Feet High and Rising de De La Soul », nous a-t-il raconté récemment dans une entrevue par Zoom.
Lorsque la chance de travailler avec le catalogue de Shocklee se présente, Lipsius recommande son étoile montante au producteur.
« Hank Shocklee et son partenaire de l’époque, Bill Stephney, m’ont embauché, et j’ai simplement poursuivi sur cette route », explique-t-il.
Quelques années après, Closter fonde Reach et, près de 30 ans plus tard, la maison de disques est un bel exemple de réussite sur la scène indépendante. Elle représente les catalogues d’une variété de clients, notamment Zac Brown, Common, Danzig, The Knack, Lisa Loeb, John Mayer, Public Enemy et Glenn Tipton de Judas Priest.
Maintenant établie à Burbank, en Californie, Reach, qui a aussi des bureaux administratifs et créatifs à Los Angeles, Nashville et New York, a grandi parallèlement à la courbe d’apprentissage de Closter, nous confie-t-il.
« Le secret, c’est la constance, rit-il. Je suis pas mal seulement resté dans ma voie. »
Avec son visage de gamin malgré ses 52 ans et ses cheveux poivre et sel coupés court, Closter a l’attitude désinvolte et le look d’un Beastie Boy des années 2020. Se remémorant les débuts de Reach, il affirme que son travail avec Shocklee et Public Enemy a « ouvert les portes » à d’autres membres de la communauté hip-hop et que la maison de disques n’a pas tardé à conclure des ententes d’édition avec Pete Rock, Fat Joe, Ice T et Kool Mo Dee, notamment.
« Au début, je donnais une “fonction” à ces producteurs et auteurs, par exemple, enregistrer leurs chansons à BMI ou à l’American Society of Composers, Authors, and Publishers (ASCAP) ou effectuer leurs enregistrements de droits d’auteur. Je faisais tout ce que je pouvais faire pour les aider », explique-t-il.
Au tournant du millénaire, Closter commence à envisager d’élargir son offre, d’accroître son équipe et de conclure des ententes de coédition, entre autres fonctions de l’édition musicale. Il commence également à s’affilier directement à différentes sociétés de gestion des droits un peu partout dans le monde, dont la CMRRA, qui « a toujours été une composante essentielle de l’infrastructure de Reach pour la perception des redevances pour la reproduction mécanique au Canada ».
Pour diversifier sa clientèle, il tisse des liens avec des avocats de New York et de Los Angeles, et fini par conclure des contrats avec Lisa Loeb et Glenn Danzig (The Misfits, Danzig), ses premiers clients en dehors du milieu du hip-hop. Par la suite, l’avocat de John Mayer offre à Closter et à Reach la chance d’administrer le catalogue de son client, l’auteur-compositeurdu succès Body Is a Wonderland.
Par la suite, Reach attire d’autres clients et ajoute à son catalogue des grands classiques de tous les styles, comme My Sharona (The Knack), Beth (Kiss), Y.M.C.A. (The Village People), The Chain (Fleetwood Mac), Love Don’t Cost a Thing (Jennifer Lopez), Without Me (Eminem), Be Without You (Mary J. Blige) et One More Time (Daft Punk).
« En réalité, lorsque vous administrez des catalogues et des droits d’auteur d’une variété de genres, vous obtenez une validation en quelque sorte, explique-t-il. Vous devenez ‟certifié” pour l’administration de n’importe quel style de musique, en fonction des besoins des clients et de la dynamique du contrat. » De nos jours, les besoins des clients couvrent aussi la prestation de services de label (comme le partenariat avec Nick Furlong, client de Reach) et la gestion des droits voisins.
Ayant défini Nashville comme un lieu de croissance et d’investissement, la maison de disques a récemment acheté une propriété commerciale près de Music Row, que Closter prévoit utiliser comme futur point d’ancrage de Reach.
Depuis peu, Reach a également l’acquisition de droits d’édition dans sa ligne de mire. Plus tôt cette année, elle a acquis un intérêt dans le catalogue d’édition du groupe heavy métal britannique Judas Priest, par l’intermédiaire du guitariste Glenn Tipton, qui a contribué à toutes les chansons emblématiques de son groupe.
L’acquisition de Glenn Tipton et de Judas Priest ouvre un nouveau chapitre pour Reach. « C’est un contrat transformateur pour nous, poursuit Closter. C’est très particulier d’acquérir un intérêt de titularité du droit d’auteur et des droits d’administration dans 200 chansons [de 1977 à aujourd’hui], y compris des grands classiques comme Living After Midnight, Breaking the Law et You’ve Got Another Thing Coming. Je chéris ces chansons. Ces droits d’auteur assureront la stabilité à long terme de Reach. Je suis très reconnaissant pour ce contrat. Je le dois entièrement à la gérante de Judas Priest, Jayne Andrews, qui m’a ouvert la porte et offert cette occasion. »
Réfléchissant à la situation du monde de l’édition et à l’entrée d’acteurs imposants dans ce marché, Closter s’indigne : « Nous sommes manifestement dans une époque incroyable. [Le secteur de l’édition] a toujours volé sous le radar et, tout à coup, il est devenu sexy. » Dans la foulée de ces bouleversements, Closter explique que Reach a connu du succès comme maison d’édition indépendante parce qu’elle demeure stable dans la traversée de mers houleuses.
« Reach est en activité depuis près de 30 ans. Cette durée nous inscrit dans le long terme, indique-t-il. J’essaie de m’en tenir aux fondements des affaires : être disponible, respecter ma parole et être une personne sur qui on peut compter. C’est vraiment mon fil conducteur. Je m’assure aussi de m’entourer des bonnes personnes et d’avoir une équipe soudée, qui travaille fort et qui donne le maximum chaque jour. Il s’agit de constance, de longévité, de travail ardu. Nous sommes dans les tranchées, et nous nous battons tous les jours pour nos clients et nos droits d’auteur. »
Et de conclure : « Nous sommes de la vieille école. Mais nous sommes aussi dans la fleur de l’âge. »
#dINFLUENCE Les éditeurs sont au cœur de l’industrie de la musique. En 2021, nous présenterons 11 d’entre eux. Nous parlerons aussi de chansons. Nous sommes conscients qu’il n’existe pas de mesure universelle pour quantifier le succès d’une chanson; c’est pourquoi nous aborderons toutes les façons inimaginables de quantifier leur influence — des chansons qui ont déclenché des révolutions, lancé des mouvements, été catalyseuses de changements, donné naissance à des histoires d’amour ou qui ont tout simplement été une source d’inspiration.
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