
Par Kerry Doole
En tant que président-directeur général de la CMRRA de 1989 à 2013, David Basskin a dirigé l’agence pendant près de la moitié de son existence. Cette période a été marquée par des changements radicaux dans le domaine de la technologie et de l’industrie musicale — elle s’est avérée très fructueuse pour notre organisme.
M. Basskin se souvient avec beaucoup d’émotion de son passage à la CMRRA : « J’ai adoré chaque minute. C’était un travail de rêve pour moi. Ce que j’aimais par-dessus tout, c’était que mon travail me permettait de m’impliquer dans tous les domaines qui m’intéressaient : le droit, la technologie, la réglementation, la politique… et la musique. »
Malgré des turbulences, l’équipe de la CMRRA est restée concentrée sur son objectif principal : « Notre entreprise connaissait une expansion rapide, mais elle était consciente que la clientèle attendait de nous des services de qualité. Nos clients voulaient que nous percevions leurs redevances rapidement, avec précision et à moindre coût, et que nous soyons réactifs en cas de problèmes ou de difficultés. Notre devise : “Nous sommes au service de notre clientèle”. Nous devions donc gagner sa confiance chaque jour. Nous avons atteint un taux d’affiliation très élevé, car les clientes et clients se sont joints à nous et sont restés fidèles. Il était rentable pour la clientèle de nous confier ses activités de licence et de redevances, et le fait de représenter un nombre croissant de détenteurs et détentrices de droits nous donnait plus de poids pour défendre leurs intérêts. Il était tout simplement plus judicieux de faire appel à nous. »
Sous la direction de M. Basskin, la CMRRA a connu une expansion significative, en ce qui concerne la taille et l’influence opérationnelle autant que les revenus générés pour une clientèle croissante. Lorsqu’il a joint les rangs de la CMRRA, l’organisme comptait entre 8 et 10 employés à temps plein; à la fin de son mandat, ce nombre était passé à plus d’une centaine. « Lorsque j’ai commencé, l’organisme était très petit et assez “primitif” sur le plan technologique, se souvient-il. Peu de temps avant mon arrivée, toutes nos informations étaient encore stockées manuellement, à l’aide de fiches. Au début des années 1990, le coût des ordinateurs a continué de baisser, ce qui nous a beaucoup aidés. L’automatisation a été la clé de notre croissance rapide. »
M. Basskin est fier de l’équipe de la CMRRA, dont l’expertise a permis de progresser durant plusieurs décennies. Certains membres du personnel travaillent même pour l’entreprise depuis 15, 20 ou même 30 ans. Cette longévité leur donne l’occasion d’affronter différents défis. L’équipe se distinguait par la diversité de ses membres, chacun possédant un savoir-faire pointu dans divers domaines complexes. Une des composantes de sa philosophie de gestion consistait à attribuer plusieurs tâches à chaque membre du personnel : « Lorsque j’ai commencé, nous avions un service chargé des droits d’auteur qui s’occupait de savoir qui possédait quelles chansons, un service chargé de délivrer les licences et un service chargé des redevances. Nous n’avions pas vraiment assez de personnel, car le volume des transactions explosait, nous avons donc repensé le flux de travail. »
« Nous avons créé des équipes pour Sony Music, EMI, Warner, Polygram, etc. Grâce à une formation croisée, tout le monde pouvait effectuer toutes les tâches tout en se familiarisant avec les maisons de disques partenaires. Nous avons évolué pour répondre aux exigences de l’entreprise et avons vraiment donné un nouvel élan au milieu de travail. J’avais une équipe formidable, de poursuivre M. Basskin. Caroline Rioux, qui m’a par la suite succédé à la présidence, est arrivée peu de temps après moi. Elle était incroyablement intelligente, travailleuse, et son dévouement dépassait toujours les attentes. Caroline se concentrait davantage sur les opérations que sur les politiques — je ne pouvais pas rivaliser avec elle dans ce domaine —, ce qui faisait de nous une bonne équipe. »
Caroline Rioux évoque également ses 28 années passées à la CMRRA, soulignant la persévérance et la détermination qui ont marqué la direction de l’organisme. « La CMRRA a connu beaucoup de succès au fil des ans, mais rien n’était jamais acquis. Nous nous sommes battus bec et ongles pour survivre et servir notre clientèle dans une industrie musicale en constante évolution, tandis que nos clients et clientes nous tenaient, à juste titre, sous leur coupe. La lutte a été constante, mais notre équipe a fait preuve de courage et d’ingéniosité, et nous avons accompli notre mission. Pour toutes ces raisons, j’ai adoré travailler à la CMRRA, et c’est ce dont je me souviens le plus. Tant que cet esprit animera la CMRRA, elle répondra avec succès aux besoins des détenteurs et détentrices de droits, quels que soient les obstacles à surmonter. »
M. Basskin rend aussi un hommage à des personnalités de l’industrie musicale qui ont fait partie du conseil d’administration de la CMRRA durant son mandat. « Al Mair était une référence et Pegi Cecconi, le meilleur détecteur de mensonges de toute l’industrie. Brian Chater et moi étions tous deux engagés dans la politique et le lobbying. Ed Glinert, avocat et l’un de mes amis les plus chers, était une personne avec qui l’on voulait se battre. »
Le vieux routier mentionne également l’ancien directeur de la CMRRA, Cyril Devereux : « Il a été l’un des premiers employés de la CMRRA et en a été le directeur général pendant longtemps. Au début de mon travail en tant qu’avocat spécialisé dans le cinéma et la télévision [CTV], j’ai beaucoup apprécié son expérience et sa connaissance du secteur musical. »
En tant qu’audiophile, collectionneur de disques et grand amateur de musique (il a longtemps animé l’émission Stolen Moments à JAZZ.FM91), Basskin était véritablement passionné par la mission fondamentale de la CMRRA, soit « s’assurer que les personnes qui créent les chansons sont rémunérées. C’était un défi, car beaucoup des utilisatrices et utilisateurs de musique n’étaient pas particulièrement intéressés par le fait de payer ou de payer plus qu’ils ne le faisaient déjà. Dire “eh bien, nous ne faisons pas cela aux États-Unis” n’était qu’une excuse de plus pour ne pas payer leur juste part. »
Le principe de la force du nombre a aussi joué son rôle, selon lui : « En regroupant tous nos différents clients et clientes, nous avons acquis un pouvoir de négociation bien plus important que celui dont disposaient les individus. C’est tout à l’honneur de l’industrie d’avoir pris conscience qu’il fallait s’unir pour modifier les lois. »
Grâce à cela, la CMRRA a pu négocier directement et en position de force avec les maisons de disques. Elle a ainsi pu plaider en faveur d’une augmentation des taux de redevances et chercher à obtenir de meilleures conditions pour sa clientèle. « Nous avons également pris des mesures au Canada contre l’une des pratiques les plus néfastes de l’industrie musicale, les clauses de composition contrôlée, rappelle M. Basskin. Il s’agissait d’une méthode contractuelle que les artistes concluaient avec les maisons de disques et qui accordait à ces dernières une réduction sur les redevances mécaniques. Nous avons négocié et obtenu un accord volontaire avec les maisons de disques afin de limiter l’utilisation de ces clauses. Cela a eu pour effet d’augmenter considérablement les taux de redevances globaux. »
La CMRRA a remporté une autre grande victoire en 1997. Elle a alors contribué à obtenir une nouvelle source de revenus importante, soit le tarif mécanique de radiodiffusion, qui oblige les stations de radio commerciales à verser des redevances pour la copie de chansons enregistrées sur leur serveur.
« Cela n’avait jamais été fait auparavant au Canada ni aux États-Unis, explique M. Basskin. Les stations de radio dépendaient autant de l’utilisation du droit de reproduction que de l’électricité pour faire fonctionner leurs émetteurs. On ne peut pas obtenir l’électricité gratuitement, alors on ne devrait pas non plus obtenir le droit d’utiliser la musique gratuitement. » Depuis, ce tarif a rapporté plus de 150 millions de dollars aux titulaires de droits.
Au fil de l’évolution de l’industrie vers le numérique, la CMRRA a su s’adapter en entamant des négociations directes avec des plateformes telles qu’iTunes pour l’utilisation de la reproduction en 2004. Le numérique représente maintenant 90 % des revenus de la CMRRA.
Grâce à la collaboration avec la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada (SODRAC), la CMRRA a obtenu l’homologation d’un tarif par la Commission du droit d’auteur du Canada qui comprend certains des taux de redevances les plus élevés du monde pour la diffusion en continu et le téléchargement limité. Ce taux s’élevait à 9,9 % pour le droit de reproduction et à 17,5 % pour l’ensemble des droits, ce qui constituait une victoire historique à l’époque.
La période pendant laquelle David Basskin a occupé le poste de président a été marquée par des changements technologiques importants et rapides dans l’industrie musicale. L’agence a dû s’adapter à ces changements tout en suivant le rythme. « Lorsque j’ai commencé à travailler à la CMRRA en 1989, rappelle-t-il, le vinyle était presque devenu obsolète, mais les cassettes étaient encore très populaires. Les CD venaient à peine d’être mis sur le marché. Nous avons vécu un grand nombre de changements au fil des ans, notamment l’avènement des CD, la disparition progressive du vinyle et des cassettes, ainsi que le début de l’ère numérique. »
« Je suis plus un homme politique qu’un homme d’affaires. J’ai donc trouvé fascinante cette période où j’ai dû faire face aux conséquences de changements technologiques et réglementaires majeurs. À l’époque, j’étais également directeur général de l’Association canadienne des éditeurs de musique (CMPA), où je m’occupais principalement de questions politiques liées à la propriété intellectuelle, au droit d’auteur et à la réglementation. »
Avec ces deux casquettes (la CMRRA et la CMPA), M. Basskin était régulièrement à Ottawa, où il défendait les droits des créateurs et la rémunération équitable des auteurs-compositeurs, auteures-compositrices et des éditeurs : « En tant que lobbyiste enregistré, j’étais constamment occupé à Ottawa, où je participais à diverses initiatives dans l’industrie musicale afin de sensibiliser le public et de rallier des appuis en faveur de la musique canadienne. C’est là que j’ai compris que les députés et leur personnel ne sont pas toujours des experts en la matière. Ils comptent sur d’autres personnes pour les informer, et c’est exactement ce que nous nous efforcions de faire. »
Après avoir quitté la CMRRA, David Basskin a enseigné le droit des affaires et les politiques publiques à l’Université métropolitaine de Toronto et aux collèges George Brown et Humber. Il a également dirigé un service de consultation dans les domaines du droit, de la technologie et des industries du divertissement. Il travaille actuellement comme greffier à la Cour supérieure de l’Ontario.
« Ce qui me manque le plus à la CMRRA, ce sont les gens, l’équipe et la clientèle, dit-il. J’ai toujours eu beaucoup de plaisir à côtoyer tout ce monde. Je suis ravi de voir la CMRRA célébrer son 50e anniversaire. J’étais là pour les 20ᵉ et 25ᵉ anniversaires, et je sais que beaucoup pensaient qu’il était impossible d’atteindre les 50 ans. Je lui souhaite tout le meilleur pour la suite. »